Remy Maduit | Authors published
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Synopsis du livre
Moins d’un an après le déclenchement de la révolution algérienne, j’ai rejoint le maquis FLN et, jusqu’à l’indépendance, j’ai vécu les grands événements de l’Algérie en guerre. Je fus acteur ou témoin des nombreuses épreuves qui ont pesé sur le déroulement du conflit algérien.
De 1955 à 1960, je fus combattant dans diverses unités de l’ALN, Secrètaire de Postes de commandement, Commissaire Politique et Officier des Renseignements et Liaisons. J’ai contribué à la création, au développement et à l’organisation de la Wilaya 4 (Algérois). Des six Wilayas de l’organigramme révolutionnaire, la Wilaya 4 était le pivot autour duquel la guerre d’Algérie évoluait. Avec la Wilaya 3 (Kabylie), elles ont été les seules régions où les officiers, quelqu’ait été leur grade, vivaient avec le peuple et se sont battus sur le terrain avec leurs hommes, du début jusqu’à la fin de la guerre d’Algérie.
Sous le leadership du colonel Si M’Hamed, la Wilaya 4 devint la Wilaya modèle de la révolution algérienne. Elle fut le centre de tous les évenements et dénouements qui ont transformé l’Algérie et la France.
Durant les « purges » FLN, initiées par le colonel Amirouche en Wilaya 3 (Kabylie), je fus appréhendé et mis à la disposition du SCICE[i], acronyme d’un véritable dispositif à torturer et à anéantir les soit-disant « traîtres intellectuels francisés » en majorité de jeunes étudiants montés au maquis durant la grêve des étudiants et la « bataille d’Alger ». J’ai connu l’enfer de la torture; mon supplice commença le 19 avril 1960.
Le 6 mai 1960, et après plus de deux semaines de torture, je réussis à m’évader et à rallier une base militaire française.
J’ai choisi, volontairement, de continuer la lutte armée contre un FLN qui ne représentait plus ni l’intérêt du peuple algérien ni la révolution telle qu’elle était conçue par les révolutionnaires de la première heure, définie et sanctionnée par la Plate-forme de la Soummam.[ii] Les dirigeants FLN de l’intérieur n’étaient plus que des pantins sous le contrôle absolu d’un groupuscule d’extrêmistes surnommés les « planqués »,[iii] cantonnés soit au Maroc, soit en Tunisie. La course au pouvoir était devenue le seul critère « révolutionnaire ». Le pouvoir à n’importe quel prix, par n’importe quel moyen et par l’élimination de tout ce qui restait fidèle à l’objectif initial de la révolution algérienne.
C’est lors d’une opération militaire que j’avais proposée qu’Abdelatif, chef politico-militaire de la zone de l’algérois, est fait prisonnier le 7 mai 1960. J’avais été officier des services de renseignement et de liaison dans son état-major. Ce fut le début de la fameuse « Affaire Si Salah ».[iv]
Mon évasion d’un des centres de torture FLN, coïncidait avec la période où je devais faire mon service militaire dans l’armée française. Je fus donc admis à l’École Militaire de Cherchell d’où je sortis sous-lieutenant. J’ai alors choisi de servir dans le commando régimentaire du 6e Régiment d’Infanterie qui se trouvait dans la région où j’avais été torturé et où le SCICE faisait encore des ravages.
En 1962, il ne faisait aucun doute que l’Algérie allait être livrée à la faction extrémiste du FLN. Je rejoignis l’OAS en mars 1962. L’OAS était encore sous le contrôle d’officiers français dont je partageais certains objectifs quant à l’avenir de l’Algérie. Malheureusement, ces officiers furent, à leur tour, débordés par l’aile extrémiste de l’organisation à laquelle ils appartenaient avec des conséquences désastreuses. Mes activités dans l’OAS se limitèrent au maquis mort-né de l’Ouarsenis.
Fait prisonnier le 1er avril 1962, je fus transféré en France, condamné le 18 janvier 1963 par un tribunal militaire et emprisonné dans les établissements pénitentiares de la Santé, Fresnes et Rouen.
Je fus fut amnistié le 29 janvier 1965. Mon périple pénitentiaire prend fin. Je quitte définitivement la France en juin 1965. Je m’expatrie aux Etats-Unis où je reprends mes études (comme promis à mon père), et fait carrière dans des entreprises privées. Je finis cette carrière comme cadre supérieur (vice président ) dans une compagnie multinationale américaine et fonde une agence conseil globale pour le développement des marchés internationaux.
Le livre
« J’ai été fellagha, officier français et déserteur – du FLN à l’OAS » est un témoignage exclusif et vécu par l’auteur, du maquis FLN au maquis OAS en passant par l’armée française.
C’est un témoignage sur les événements qui ont façonné l’évolution de la guerre d’Algérie; sur les authentiques occasions de paix ratées; sur les figures admirables, trop peu, et les apprentis sorciers, trop nombreux, de tout bord. C’est aussi l’histoire d’un combat sans pitié pour le contrôle des peuples, algérien et européen, et celle de nombreux faux prophètes, chacun ayant sa « bonne » solution définitive, son idéologie et sa méthode expéditive qui se lancèrent à la conquête des hommes et des esprits. Ces meneurs trouvèrent un champ fertile à leurs propagandes: deux populations d’une inculture politique pathétique et d’une absence totale de culture démocratique. Les deux communautés s’étaient laissé ballotter d’un espoir utopique à un désespoir abyssimal jusqu’à perdre tout sens de la réalité la plus élémentaire.
Le bilan de ce combat chimérique sera lourd de conséquences, espoirs déçus, haines inexpiables, exactions inhumaines de part et d’autre et finira par dresser les deux communautés l’une contre l’autre dans la haine et la vengeance. Le paroxysme de cette haine entre les populations algérienne et européenne sera atteint à l’indépendance de l’Algérie. Tueries aveugles de « l’Arabe » et politique de la « terre brûlée » par le reliquat de l’OAS, enlèvements et massacres de Pieds-Noirs et de Harkis par le FLN.
Je ne développe pas dans ce livre une chronologie complète des événements ni un historique de la guerre d’Algérie. L’objet de ce livre est de faire connaître les épisodes marquants qui avaient influé sur l’aboutissement tragique de la guerre ; l’existence d’une démocratie en Wilaya 4, sa destruction et le processus de la prise de pouvoirs par les extrémistes du FLN ; et les moments tragiques de la guerre civile entre Algériens. Je révéle l’origine et le déroulement de l’« Affaire Si Salah » dont je fus à la fois acteur et témoin. La vérité sur cette affaire a été transformée par des versions plus souvent gouvernées par le sens qu’on voulait avoir de l’histoire que par les faits eux-mêmes. Depuis l’indépendance de l’Algérie, chroniqueurs et historiens ont échafaudé tout un corps de « détails » dont il est presque impossible de se débarrasser quand on évoque cet événement. L’Affaire Si Salah avait pris cette ampleur, et était devenue le grand événement de la guerre d’Algérie, parce qu’elle était intimement liée à la « trahison » (du moins selon « son » opposition) du général Charles De Gaulle. J’exposerai le ravage qu’a subi le peuple algérien à la suite du contrôle des populations, de la « guerre psychologique », de la torture et des liquidations – des deux bords.
Démocratie en Wilaya 4
La Wilaya de l’Algérois avait enfanté une « démocratie » dans l’Algérie en guerre, un mouvement révolutionnaire à la recherche d’une paix négociée au lieu d’une victoire par les armes, et un grand nombre d’affaires dont celle de l’« Affaire Si Salah. »
Les objectifs fondamentaux des révolutionnaires algériens, sanctionnés par la Plate-forme de la Soummam en 1956, étaient de libérer l’Algérie du système colonial au nom du peuple algérien et d’établir des structures adéquates pour la création d’une Algérie nouvelle, basée sur des principes démocratiques ( collégialité ), ceci en s’appuyant sur l’action armée étant donné que toute démarche politique et pacifique dans ce sens avait été étouffée dans l’oeuf dès 1945. La mort au combat de Si M’Hamed et l’échec de l’« Affaire Si Salah » sonnèrent le glas de cette « unique » et seule expérience démocratique en Algérie.
Les tentatives de destruction de la démocratie en Wilaya 4 furent nombreuses. La destruction systématique de tout potentiel « interlocuteur valable » réel était un objectif commun que partageaient les autorités françaises et les extrémistes du FLN, pour des raisons différentes. Cette situation fut aggravée par l’acharnement des autorités françaises à imposer une « troisième force » (des Algériens non FLN ) qui, en réalité ne représentait qu’elle-même et ses propres intérêts.
La Wilaya 4 était l’exemple, sur le terrain, de ce que l’Algérie aurait pu être.
La prise des pouvoirs par les extrémistes changea la face de la révolution algérienne et instaura, à l’indépendance de l’Algérie, une dictature militaire des plus violentes et des plus corrompues que l’histoire moderne ait jamais connue. Le peuple algérien paie encore un prix très élevé en sang et en liberté. Cette prise des pouvoirs par ces extrémistes (à noter que la plupart de ces officiers, et leurs troupes, ne s’étaient jamais battus en Algérie), fut progressive et sanglante. Les complots, « coups d’état » et assassinats, qui avaient commencé dès le début de la révolution, et s’étaient intensifiés durant toute la guerre, continuèrent bien après l’indépendance de l’Algérie et jusqu’à nos jours. Leur rupture avec la Plate-forme de la Soummam qui donnait la « primauté au civil sur le militaire », base fondamentale de toute démocratie, s’est accélérée dès le départ d’Alger vers les pays frontaliers des dirigeants de la révolution naissante et l’assassinat de Abbane Ramdane, architecte de la Plate-forme de la Soummam.
Le contrôle des populations et la « guerre psychologique »
Guerre subversive, contre-guérilla, action psychologique… tout le bréviaire révolutionnaire et contre-révolutionnaire fut couramment utilisé dans cette guerre innommable. Malgré la mise en avant de la théorie de la guerre révolutionnaire et tous les simplismes et demi-vérités importés des camps vietminhs, la guerre d’Algérie fut une guerre à dominante sociologique, dont les populations étaient l’enjeu. Tous avait pour but le contrôle exclusif des populations.Pour les autorités françaises, si « le révolutionnaire est dans le peuple comme un poisson dans l’eau », pour l’atteindre il fallait d’abord assainir l’eau. Il fallait commencer par détruire les cellules terroristes urbaines, ce fut la « bataille d’Alger », puis le FLN là où il se trouve ce qui signifiait d’autres petites « batailles d’Alger » à travers toute l’Algérie. Puis, il fallait vider la plus grande partie du territoire de sa population pour asphyxier le révolutionnaire ; les populations déplacées furent parquées dans des centres de regroupement et leurs villages, terres, montagnes… devinrent des zones interdites.
Et dans cette guerre appelé officiellement « maintien de l’ordre », le révolutionnaire algérien était acculé au statut de hors-la-loi, de terroriste, de criminel, il était tout sauf un combattant. Par conséquent, tous les moyens de répression étaient bons pour sa destruction, et celle de ses complices. Les moyens « illégaux » devenaient légitimes et étaient connus des hautes instances françaises.
Quant au FLN d’origine, le peuple algérien était sa raison d’être. C’est en son nom que la révolution avait été entreprise. C’est en son sein que le FLN puise son armée, sa vitalité et sa survie. Sans l’appui du peuple le FLN cessait d’exister. Par conséquent, une lutte sans merci fut engagée pour le contrôle de la population algérienne. Les uns voulaient la libérer, les autres la sauver. Tout était bon pour arriver à ses fins. On persuadait, on menaçait, on déplaçait des populations entières, on torturait, on violait, on mutilait, on liquidait… des exactions de toutes sortes et de toutes parts. Rien n’était interdit à ce combat implacable, dans ce carnage démentiel.
La torture et les liquidations
La torture et les liquidations furent pratiquées à une vaste échelle. Elles furent pratiquées par tous les participants et bien avant, et après, la « bataille d’Alger ». La torture et les liquidations étaient devenues tout simplement les armes d’une guerre où la fin justifiait les moyens. La torture n’avait pas seulement pour but d’arrêter les poseurs de bombes pour les uns, de parer au noyautage de l’organisation FLN pour les autres ; elle n’était pas seulement utilisée en cas « d’extrême urgence ». C’était une méthode de renseignement et d’intimidation institutionnalisée, employée d’une manière routinière et ses victimes étaient, dans la plupart des cas, destinées à une exécution sommaire.
J’ai été témoin de tortures, la torture s’est faite sous mon commandement, et j’ai été torturé.
Pour le FLN la torture fut aussi le prélude à des épurations, des liquidations, des exécutions discrètes et des tueries en masse. La torture et l’assassinat étaient devenues la procédure courante de réglement des conflits, non seulement contre des organisations, mais à l’intérieur du FLN même. Pour les extrémistes et les « marsiens »,[v] aujourd’hui au pouvoir, le peuple algérien n’a donc jamais été qu’un matériel humain disponible pour leurs ambitions, chair à canon ou à matraques, que l’on envoyait se faire massacrer, et qu‘on a massacré directement par la suite. Aujourd’hui encore dans l’Algérie du FLN, la seule institution qui marche bien depuis l’indépendance est la torture, complétée par l’assassinat politique.
Conclusion
La banqueroute intégrale de l’Algérie depuis l’indépendance nous pousse à une analyse plus critique de la guerre d’Algérie de 1954 à 1962. C’est là que réside le ferment de la dictature qui sévit dans l’Algérie d’aujourd’hui. En imputer encore la responsabilité au « colonialisme » français est une manière d’éviter d’aller au fond des problèmes et d’établir les culpabilités car, bien que les réactionnaires se soient opposés à toute réforme, le système colonial était déjà en déconfiture dès 1958.
Ce serait une autre dérobade que d’attribuer la violence en Algérie au caractère national et à l’héritage culturel propre aux Algériens. Il est certain que les faits peuvent favoriser cette interprétation. La violence ne relève pas d’un déterminisme culturel et n’est le patrimoine d’aucune société. La violence est dans notre humanité. Ce sont des circonstances particulières qui la font exploser et s’imposer à une société sous une forme ou une autre.
La révolution algérienne était basée sur des principes démocratiques, définis par les maquisards de la première heure en août 1956. Hormis la partie propagande de ce document, tous ces principes sont énoncés dans la Plate-forme de la Soummam. Le FLN originel n’avait aucune affinité avec les sociétés communistes d’alors ni avec les autocraties féodales et militaires corrompues du monde arabe.
Qu’est-il arrivé au sein du FLN pendant la guerre qui a conduit l’Algérie indépendante à cette faillite matérielle, sociale, politique et morale ?
Le but de ce livre est d’apporter des éclaircissements sur la défaite de la démocratie du FLN originel et la marche sanglante des extrémistes vers la prise des pouvoirs. Complots, « coups d’état », purges, assassinats, massacres, terrorisme aveugle et torture en composaient l’arsenal.
Rémy Mauduit
[i] Service de Contre Infiltration et de Contre Espionnage.
[ii] Une « Constitution » de la révolution algérienne rédigée par les révolutionnaires de la première heure, en 1956.
[iii] Nom que les révolutionnaires algériens donnaient à l’A.L.N./F.L.N. des frontières –au Maroc et en Tunisie.
[iv] Du nom de Salah, alors colonel de la wilaya 4 et qui ménera à la rencontre avec de Gaulle à l’Elysée pour négocier son offer sur l’autodétérmination.
[v] Nom donné par les révolutionnaires algériens aux sous-officiers et officiers algériens de l’armée française pour s’être ralliés aux « planqués” après la signature le 18 mars 1962 des accords d’Evian et donc après le cessez-le-feu en Algérie. Ils sont devenus des combatants nationalistes alors qu’ils n’avaient rien fait pendant toute la guerre.
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