identité nationale : e pluribus unum ou e pluribus ‘pluribus’?

Remy Maduit | Authors published

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Identité nationale : e pluribus unum ou e pluribus ‘pluribus’?*

de Rémy Mauduit

La mondialisation a facilité les contacts entre les gens, leurs valeurs, leurs idées et leurs modes de vie, comme jamais auparavant. Les gens voyagent plus souvent et plus loin. Les médias, notamment la télévision, atteignent maintenant des familles vivant dans les zones rurales les plus reculées du globe. La mondialisation, d’après de nombreux experts, présente un défi inhabituel pour les identités nationales. Aujourd’hui, la société semble connaître une détérioration croissante des identités nationales par le biais de la mondialisation culturelle et économique. Pour les pessimistes, si elles n’ont pas encore complètement disparu, ces identités ont tendance à régresser pour céder la place à des modèles culturels dominants tels que le modèle occidental. Ainsi, la mondialisation est en train de redéfinir les identités de nationales à continentales, par conséquent, le maintien des vieilles identités nationales est très difficile. Cette tendance va continuer à s’amplifier tant que notre bien-être économique dépend indirectement de la libre circulation des biens et des marchandises. Dans ce cas, l’État-nation est-il encore la forme politique la plus appropriée ? Pour certains, cette nouvelle diversité est stimulante, même enrichissant ; pour eux, l’idée nationale du passé n’a produit qu’un patriotisme belliqueux, la xénophobie et l’isolationnisme. Pour d’autres, la nation serait en péril, et avec elle, la structure de la vie sociale, la solidarité collective et la démocratie elle-même. Ils craignent que leur pays se fragmente, leurs valeurs se perdent progressivement par le nombre croissant d’immigrants apportant de nouvelles coutumes, et que le commerce international, couplé au moyens modernes de communication, supplante[1]ront les cultures locales.

La question de l’identité nationale est d’actualité pour au moins deux raisons. Tout d’abord, elle est liée aux problèmes plus larges posés par l’immigration. Ensuite, les réactions aux identités dominantes peuvent parfois conduire au terrorisme. En réalité, la question fondamentale en ce qui concerne ces deux problèmes très différents est la même : qu’est-ce que l’identité nationale ? Selon le psychologue Eric H. Erikson, « le mot identité exprime une relation mutuelle parce qu’elle suggère une similitude persistante avec soi (selfsameness) et un partage persistant d’un certain genre de caractère essentiel avec d’autres  ».[1] L’immigration est souvent pointée du doigt comme l’une des principales raisons de l’affaiblissement de l’identité nationale, mais l’immigration seule ne suffit pas pour expliquer cette situation. Les États-Unis ont été construit avec l’identité d’être un pays d’immigrants. L’appartenance à la nation est assimilée non pas à une affiliation raciale ou culturelle mais au partage de croyances et de coutumes. Toute personne, indépendamment de son origine, peut devenir américaine à travers l’adhésion à l’ensemble dominant des idéaux et de l’American Creed  ».[2]

Mais les débats sur l’identité nationale ont refait surface en raison de la croissance de la migration internationale durant les dernières décennies. Les débats ne sont pas seulement sur la concurrence pour les emplois et les ressources pour l’aide sociale, ils sont aussi sur la culture. L’identité nationale est de faire partie du même groupe de personnes, telle qu’une nation, donnant la souveraineté à la volonté générale ; c’est en somme une cohésion sociale. Par conséquent, les problèmes sont dus à la cohésion sociale affectée par le chômage, les inégalités croissantes, l’immigration… ce qui crée une crise de l’identité nationale. Les remèdes à ces crises sont généralement exprimés par des rejets, tels que le rejet de l’immigration.

L’alternative à l’identité nationale e pluribus unum ou e pluribus ‘pluribis’ pourrait être une plus grande « identité continentale », comme prévu par l’historien français Ernest Renan pour l’Europe, il y a plus d’un siècle, « Les nations ne sont pas quelque chose d’éternel. Elles ont commencé, elles finiront. La confédération européenne, probablement, les remplacera  ».[3] Sinon, l’identité nationale reste un équilibre à gagner inlassablement, un équilibre entre une « similitude persistante avec soi » et le « partage persistant d’un certain genre de caractère essentiel avec d’autres », tel que défini par Erikson. Si ces deux composantes sont équilibrées, le pays vit en harmonie, il existe un patriotisme sain et le pays est ouvert sur le monde. Si, au contraire, cette harmonie est rompue, l’identité nationale peut créer un phénomène de retrait et de xénophobie qui sera finalement néfaste pour le pays.

Dans cette perspective, l’identité nationale est en constante évolution.

* Cet éditorial a été initialement publié dans Air and Space Power Journal–Africa and Francophonie de l’U.S. Air Force Research Institute.


[1] 1. Erikson, Erik H., Identity and the Life Cycle, New York: W.W. Norton & Company, 1980, p.109.
[2] Page, William Tyler, « The American’s Creed », 1917, ushistory.org, consulté le 2 décembre 2013, www.ushistory. org/documents/creed.htm. La Chambre des représentants adopta ce credo le 3 avril 1918.
[3] Rnan, Ernest, « Qu’est-ce qu’une nation », conférence faite en Sorbonne, Paris, le 11 mars 1882. Voir Thiesse, Anne-Marie, « Inventing National Identity », Le Monde Diplomatique, juin 1999, http://mondediplo.com/1999/06/05thiesse.

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