La corruption, fléau de l’humanité

Remy Maduit | Authors published

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La corruption, fléau de l’humanité*

de Rémy Mauduit

J’ai vu la corruption bouillir et bouillonner jusqu’à ce qu’elle déborde de la marmite.
— Shakespeare, Mesure pour Mesure

La corruption est apparemment un phénomène vieux comme le monde  ; elle remonte au moins au moment où une société organisée a pour la première fois créé des institutions publiques pour se préserver. C’est un phénomène désastreux à l’échelle mondiale. La corruption existe dans le secteur privé mais implique principalement des responsables gouvernementaux. Elle est multiforme et les termes équivalents sont innombrables : Enveloppes rouges en Chine ou enveloppes brunes en Angola, bakchich en pays arabe, matabiche en Afrique centrale, payola aux Philippines, propina en Amérique latine ou pots-de-vin en France.

Bien que la corruption peut être plus visible dans les pays pauvres et les dictatures (souvent les mêmes), elle n’est pas absente dans les pays riches et les démocraties. Le coût de la corruption est difficile à évaluer car il se produit entre les individus dans le plus grand secret. Toutefois, selon la Chambre de commerce international et d’autres organismes, « Les estimations montrent que le coût de la corruption équivaut à plus de cinq pour cent du PIB [produit intérieur brut] mondial soit $ 2.6 trillion, avec plus de $ 1 trillion payés en pots-de-vin chaque année » ; en outre, « la corruption ajoute jusqu’à dix pour cent du coût des opérations à l’échelle mondiale, et jusqu’à vingt-cinq pour cent du coût des marchés des pays en développement.[i] Elle en coûte à l’Europe € 120 milliards par an, soit environ un pour cent de la production économique; à la Chine, dix pour cent de son PIB par an; et à l’Afrique, environ $150 milliards par année.[ii] Il est à noter que le président russe Vladimir Poutine « a été nommé “la personnalité de l’année” de la corruption pour 2014 par un groupe international de journalistes d’investigation » et qu’il « a été finaliste » chaque année depuis que la “prix” a commencé ! »[iii]

Bien entendu, les démocraties ne sont pas à l’abri de la corruption. Le financement douteux des partis politiques en est un exemple mais la règle de droit et les institutions matures sont des remparts contre une corruption systémique. En revanche, la corruption est plus répandue dans les pays en développement et en transition, non parce qu’ils sont différents des autres nations mais parce que les conditions sont propices. Les institutions de l’état sont faibles ; les politiques gouvernementales ou organismes de réglementation contiennent des échappatoires qui permettent des activités illégales ; et les institutions telles que le Parlement, le pouvoir judiciaire, et la société civile, y compris la presse, qui servent habituellement de garde fous sont marginalisés ou touchés par la corruption. Par conséquent, ces pays sont enfermés dans un cercle vicieux de la corruption. L’Algérien Feddal Halim, secrétaire général adjoint de l’Association nationale de lutte contre la corruption, décrit le cercle vicieux kafkaïen et cauchemardesque de la corruption :

“La loi 06-01 relative à la prévention et à la lutte contre la corruption a été votée dans la corruption, l’assemblée populaire nationale, produit électorale de la corruption politique, n’a fait que concrétiser un acte de corruption en promulguant une loi qui décriminalise  la corruption et facilite aux corrompus et corrupteurs de pratiquer la corruption et entretenir la corruptibilité. La corruptibilité est un mécanisme permettant la création d’un environnement favorable à la généralisation de la corruption. Je m’explique, le régime a réussi à conditionner et créer un climat propice à l’amplification et la standardisation des mécanismes et des procédés de la corruption. Mais aussi il a pu inculquer une mauvaise conscience généralisée. Un corrompu n’est jamais plus confiant qu’en la présence d’un autre corrompu, et le meilleur moyen de se prémunir des gens intègres est d’en produire des corrompus.”[iv]

La corruption est devenue un problème majeur. Selon les experts sur le sujet, la corruption systémique est particulièrement répandue en l’absence de contrôle adéquat d’organes législatif, de contrôle judiciaire ou autonome, des professionnels des médias et des représentants de la société civile indépendante. La corruption ne peut être vaincue si les libertés civiles ne sont pas fermement garanties. Ce fléau de l’humanité doit être combattu à l’échelle mondiale parce qu’il est l’ennemi de la sécurité, du développement, du progrès et de la paix. L’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime souligne que « la lutte contre la corruption est une préoccupation mondiale. La corruption se trouve dans les pays riches aussi bien que dans les pays pauvres, et les faits montrent que les pauvres en souffre d’une manière disproportionnée. La corruption contribue à l’instabilité et à la pauvreté, et est un facteur dominant qui mène les pays fragiles vers la faillite.»[v]

La bonne gouvernance, l’une des réponses à la corruption systémique, « reconnaît l’intégrité, les droits et les besoins des personnes relevant de l’état. La gouvernance est un moyen de gérer le pouvoir et la politique, alors que le gouvernement est un instrument pour le faire.»[vi]

* Cet éditorial a été initialement publié dans Air and Space Power Journal–Africa and Francophonie de l’U.S. Air Force Research Institute.


[i] « The Business Case against Corruption » (International Chamber of Commerce, Transparency International, United Nations Global Compact, et le World Economic Forum Partnering Against Corruption Initiative, n.d.), [2], consulté le 22 janvier 2015, www.weforum.org/ pdf/paci/BusinessCaseAgainstCorruption.pdf.

[ii] SANTA, Martin et O’DONNELL, John, « Corruption Costs European Economy 120 Billion Euros a Year », Reuters, 3 février 2014, www.reuters.com/article/2014/02/03/us-eu-corruptionidUSBREA120KN20140203 ; « What China’s Latest Anti-Corruption », www.chinabriefing.com/news/2014/07/16/chinas-latest-anti-corruption-campaign-means-foreign-investment.html ; et HANSON, Stephanie, « Corruption in Sub-Saharan Africa », Council on Foreign Relations, 6 août 2009, www.cfr.org/africa-sub-saharan/corruption-sub-saharan-africa/ p19984.

[iii] « Russia: Investigative Journalists Name Putin Corruption’s ‘Person of the Year’ », Ethical Alliance Daily, consulté le 22 janvier 2015, http://ethicalalliance.org/daily-news/russia-investigative-journalists-name-putin-corruptions-person-of-the-year/.

[iv] « La corruptibilité et la corruption en Algérie », Le Quotidien d’Algérie, 28 août 2013, http://lequotidienalgerie.org/2013/08/28/ la-corruptibilite-et-la-corruption-en-algerie/.

[v] « International Anti-Corruption Day », UNODC (United Nations Office on Drugs and Crime), consulté le 6 janvier 2015, www. picbadges.com/badge/3494767/.

[vi] MAUDUIT, Rémy, « Gouvernance et transition démocratique », Air and Space Power Journal–Afrique et Francophonie 4, no. 3 (3e trimestre 2013), p. 3, www.au.af.mil/au/afri/aspj/apjinternational/aspj_f/digital/pdf/articles/2013_3/editorial_f.pdf

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