La crise mondiale de l’eau et la sécurité nationale

Remy Maduit | Authors published

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La crise mondiale de l’eau et la sécurité nationale*

de Rémy Mauduit

Historiquement, les sociétés humaines et les civilisations se sont formées autour des rivières et des lacs ou à proximité de l’eau. À défaut d’eau, des sociétés entières s’étaient livrées au nomadisme et étaient assujetties au rythme des saisons et de la pluie. L’eau est la ressource naturelle la plus abondante de la planète. Plus des deux tiers de la Terre est recouverte d’eau, mais plus de 97 pour cent est contenue dans les océans. Cependant, selon les statistiques d’eau des Nations Unies, moins d’un pourcent de l’eau disponible dans notre planète est de l’eau douce.[1]

L’eau, contrairement aux autres ressources naturelles comme le pétrole, est une ressource renouvelable à l’infini mais elle est d’une durée déterminée. Comme la demande augmente, la concurrence pour l’eau s’intensifie non seulement entre les états-nations, mais aussi au sein des pays eux-mêmes. Les États-Unis n’échappent pas à ce phénomène, comme en témoigne ces titres de presse : « Atlanta’s Water War Is First in a Gathering Flood », « Vegas Goes to War over Water », « River Pumping Proposal Sparks North Jersey Water War », « Fees and Anger Rise in California Water War » et « Water War with Mexico Looms in Southwest ».[2] Heureusement, comme il est souligné dans le Programme de développement des Nations Unies, nous « résolvons ces litiges dans des tribunaux. Mais dans la majeure partie de [l’Afrique] et des pays en voie de développement, la concurrence pour l’eau s’intensifie à un rythme alarmant, donnant lieu à d’intenses et parfois violents conflit ».[3] En raison de la demande en eau dans la plupart des régions du monde, les rivières, les lacs et les aquifères sont devenus vitaux pour la sécurité d’une nation et, par conséquent, un motif de guerre. Déjà « plus de 1,4 milliard de personnes vivent actuellement dans les bassins fluviaux où l’utilisation de l’eau dépasse les niveaux minimaux de recharge, ce qui conduit à l’assèchement des rivières et à l’épuisement des eaux souterraines… Le nombre de pays dans les bassins partagés, au nombre de 145, représentent plus de 90 pourcent de la population mondiale. Plus de 30 pays se trouvent entièrement à l’intérieur des bassins transfrontaliers[4] [ce que l’on appelle des bassins hydriques internationaux] ».

Le rapport de la Global Water Security: Intelligence Community Assessment prévoit que « un certain nombre de pays (ou régions au sein de pays) connaissent déjà des ‘stress hydriques’ élevés… Ces zones comprennent l’ouest des États-Unis, l’Afrique du Nord, l’Afrique australe, le Moyen-Orient, l’Australie et certaines parties de l’Asie du Sud et de la Chine ». En outre, « comme des pénuries d’eau deviennent plus intenses au-delà des dix prochaines années, l’eau dans les bassins partagés sera de plus en plus utilisée comme un levier ; l’utilisation de l’eau comme une arme ou de servir les objectifs des terroristes, deviendra également plus probables au-delà de ces dix ans ».[5]

Dans le vingt-et-unième siècle, la crise mondiale de l’eau a déjà fait plus de victimes à travers la maladie qu’à travers les guerres, les insurrections et le terrorisme. Plus de gens meurent chaque année après avoir bu de l’eau sale que toutes les victimes de catastrophes naturelles.[6] Chaque année, l’eau insalubre et un assainissement insuffisant contribuent à la mort d’environ 1,5 millions d’enfants de la diarrhea.[7] La dévastation économique générée par cette crise est inégalée par les conséquences associées aux conflits violents. De toute évidence, ce phénomène devrait figurer parmi les défis impérieux de la stratégie de sécurité nationale ou d’occuper un pied d’égalité, sinon en tête de liste, avec le terrorisme transnational, les organisations criminelles, la prolifération des armes nucléaires et la diffusion des technologies meurtrières.

* Cet éditorial a été initialement publié dans Air and Space Power Journal–Africa and Francophonie de l’U.S. Air Force Research Institute.


[1] « Water Resources », UN Water, consulté le 2 août 2012, www.unwater.org/statistics_res.html.

[2] ORSZAG, Peter, « Atlanta’s Water War Is First in a Gathering Flood », Bloomberg, 20 Mars 2012, www.bloomberg. com/news/2012-03-20/atlanta-s-water-war-is-first-in-a-gathering-flood.html ; FOSTER, Joanna M., « Vegas Goes to War over Water », TakePart, 26 avril 2012, www.takepart.com/article/2012/04/26/vegas-goes-war-over-water ; O’Neill, James M., « River Pumping Proposal Sparks North Jersey Water War », NorthJersey.com, 27 mai 2012, www.northjersey. com/news/bergen/052712_Pumping_proposal_sparks_North_Jersey_water_war.html ; NAGOURNEY, Adam et BARRINGER, Felicity, « Fees and Anger Rise in California Water War », New York Times, 23 avril 2012, www.nytimes. com/2012/04/24/us/san-diego-takes-water-fight-public.html ; et HAWKES, Logan, « Water War with Mexico Looms in Southwest », Western Farm Press, 13 avril2012, http://westernfarmpress.com/government/water-war-mexico-looms -southwest.

[3] United Nations Development Programme, Human Development Report 2006: Beyond Scarcity; Power, Poverty and the Global Water Crisis, New York : United Nations Development Programme, 2006, p. 17, http://hdr.undp.org/en/media /HDR06-complete.pdf.

[4] Id., pp. 24, 205.

[5] Office of the Director of National Intelligence, Global Water Security: Intelligence Community Assessment, ICA 2012-08, Washington, DC : Office of the Director of National Intelligence, 2 février 2012, pp. 2, 3, www.fas.org/irp /nic/water.pdf. « Ce rapport a été commandité par le département d’État des États-Unis et conçu pour répondre à la question : Comment les problèmes d’eau (pénurie, qualité médiocre de l’eau ou les inondations) affectent les intérêts nationaux de sécurité des États-Unis au cours des 30 prochaines années ?… La Defense Intelligence Agency (DIA) a été le principal rédacteur avec les contributions de la NGA, la CIA, le département d’État/INR, et le DOE », (Note explicative à la page précédente i).

[6] « A Global Crisis », Living Water International, consulté le 2 août 2012, www.water.cc/water-crisis/.

[7] United Nations Children’s Fund et World Health Organization, Diarrhoea: Why Children Are Still Dying and What Can Be Done, New York and Geneva : UNICEF/WHO, 2009, pp. 1, 2, http://whqlibdoc.who.int/publications/2009/9789241598415_ eng.pdf.

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